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Photo du rédacteurJulia Passot

L’éco-spiritualité, une approche créative pour renouer avec le vivant ?

C’est à l’occasion d’un festival consacré à l’éco-féminisme que ce sujet a émergé pour moi. L’envie de creuser cette notion peu connue et pourtant riche d’une approche éthique pour nous aider à repenser nos liens aux vivants.

Car, à l’image de l’éco-féminisme qui nous invite à penser les luttes contre l’oppression patriarcale en écho aux systèmes de domination sur la nature, l’éco-spiritualité s’attache à replacer une quête de sens individuelle en connexion avec l’ensemble du monde vivant. Un monde vivant où l’humain n’est plus au centre, mais en lien avec toutes les autres formes de vie : animale, végétale, minérale… de l’infiniment grand à l’infiniment petit ! La spiritualité est entendue ici sans principe divin, comme un chemin de développement personnel composé de rituels, d’initiations, codifiées ou non, relevant de pratiques individuelles et collectives. Elle est holistique quand elle s’inspire de traditions religieuses ou populaires, de courants de pensée très différents et comporte une grande part de créativité !

On pourrait parler d’une "écologie spirituelle", ou d’une "spiritualité écologique" … en tout cas, c’est une invitation à penser le vivant de manière globale, à appréhender sa part matérielle ET invisible.


Cela peut paraître contre-intuitif, mais essayons d’envisager en quoi réhabiliter une dimension spirituelle dans nos vies pourrait être un outil puissant pour répondre aux défis écologiques qui menacent la vie sur terre.

Que serai.ent cette/ces spiritualité(s) holistique(s) ? Yoga, Wicca, chamanisme, écologie profonde ou écosophie… En quoi ces spiritualités pourraient nous aider à penser demain, autrement, ensemble ? Reconnecter une partie de nous-même à ce qui est vibrant, impalpable, sensitif… et renouer avec le vivant ?


La place de la spiritualité dans nos sociétés n’a jamais été aussi vivante… et absente à la fois.

Lorsqu’on aborde le sujet de la spiritualité, on ne peut facilement se défaire de la lourde histoire et actualité des religions qui placent les humains dans une relation avec un ou des êtres supérieurs invisibles. On est dans des systèmes établis et étendus à des territoires ou des communautés de pratiques et de croyances. La spiritualité "sans dieu" que nous abordons ici relève davantage d’une démarche sensible de construction identitaire profonde, une recherche d’intériorité et de connaissance de soi, dans une perspective relationnelle.

Avec l’éco-spiritualité, cette perspective relationnelle est étendue à toute la communauté des vivants : végétaux, animaux, humains. On pense et on vit une expérience de soi en interdépendance avec les autres dans une posture holistique, créative, affective et intuitive.

Nous vivons une époque où la place de la spiritualité est, dans une grande partie du monde, profondément troublée. Retour à (ou instrumentalisation) des formes extrêmes de traditions religieuses - au détriment, par exemple, de l’œcuménisme chrétien développé au XIXe et XXe siècle qui promeut une unité doctrinale des différentes églises - conflits armés liés à des appartenances religieuses, débats sur la laïcité dans les institutions républicaines, désacralisation et dé-ritualisation de nos modes de vie occidentaux… des mouvements contradictoires qui ont pour effet d’avoir rendu la question de la spiritualité conflictuelle voire taboue.

La pensée d’Estelle Zhong Mengual, spécialiste en histoire de l’art, est inspirante pour comprendre ce que nous traversons en ce moment. Elle parle d’une crise de la sensibilité (ou de la perception) : sensibilité aux autres vivants, mais aussi à nous-même. Cette crise de la sensibilité est née d’un décalage entre des siècles de pensée occidentale rationaliste et son héritage chrétien qui met l’Homme au centre et à la mesure de toute chose ; et la crise écologique actuelle.

Dans cette culture occidentale qui place l’Homme comme grand ordonnateur, tout le reste du vivant est englobé dans le terme de Nature !

"Connaître le monde vivant pour un Moderne, c’est avant tout le désenchanter. Désenchanter ne signifie pas seulement ici renoncer aux croyances au surnaturel. Non, c’est autre chose encore : C’est faire la preuve, [...] que le vivant est d’abord de la matière, régie par des causalités mécaniques et dépourvue de significations et d’intentionnalités (ce qui permet d’ailleurs de le considérer comme simple ressource à disposition et ouvre la voie aux pratiques d’exploitations sans égards)."

C’est cette vision du monde qui, selon le philosophe Harmut Rosa, dans son essai Résonance, une sociologie de la relation au monde (La Découverte, 2018), nous empêcherait de "résonner" avec l’ensemble du vivant, de tisser des relations avec l’ensemble des êtres qui le composent :

"Le propre de la modernité occidentale est de ne pouvoir accorder aucune qualité de résonance aux choses, c’est-à-dire aux objets non-humains (…). L’univers de la modernité, qui tient sa légitimité de la connaissance rationnelle et scientifique, est un "univers muet" dans lequel aucune voix ne se fait entendre hormis celle de l’homme."

Or, c’est dans la compréhension de son lien au monde que l’homme donne une orientation à sa vie. Et c’est sur ce terreau que se fondent nos spiritualités.


Ainsi, les bouleversements écologiques, climatiques, sanitaires que nous vivons nous offrent l’opportunité de questionner profondément ce système de hiérarchisation du vivant et notre positionnement au cœur de celui-ci.

S’ouvre alors la possibilité d’être à l’écoute d’autres pensées, d’autres mythologies. De nombreux.ses penseur.se.s se sont penché.e.s sur ces autres mythologies qui viennent peu à peu nourrir nos propres spiritualités. Peut-être connaissez-vous Philippe Descola, Vinciane Despret ou encore la passionnante Isabelle Stengers ? Grâce à leurs travaux, ils.elles nous donnent à voir comment se sont créés, hors de la civilisation occidentale, chez les peuples premiers ou dans les cultures animistes, d’autres systèmes d’interdépendances entre les êtres vivants.

Le développement du concept d’éco-spiritualité se nourrit fortement de ces influences, favorisant la résurgence de pratiques spirituelles qui remettent notamment en question la frontière entre "nature et culture". On va chercher dans d’autres cultures, d’autres civilisations, ce système d’interdépendance "perdu", s’inspirant des cosmogonies animistes, des pratiques chamaniques.

Or, cet attrait extérieur, ce regard passionné et curieux sur d’autres formes de spiritualités, issues de cultures lointaines, s’il est précieux pour nous aider à nous questionner sur nous-même, occulte la présence de traditions éco-spirituelles au sein-même de notre propre culture occidentale et qui a été combattue férocement durant des siècles : c’est la culture paysanne, les sorcières guérisseuses, la permaculture…


Que le souffle vienne de l'extérieur ou de l’intérieur, face au délitement du monde et sa perte de sens, l’éco-spiritualité pourrait être alors un outil puissant pour se relier plus profondément aux autres vivants, mais aussi avec nous-même.


L’éco-spiritualité comme réponse à un besoin de réhabilitation des rituels, des célébrations collectives dans un monde où tout se morcelle, s’individualise.

Depuis de longs mois, nous expérimentons une privation massive de liens, de célébrations, de rituels collectifs, alors même que nous vivons dans des espaces sociaux très denses (la majorité de la population mondiale vivant aujourd’hui en zone urbaine).

Cette privation de liens s’opère à la fois entre les humains, mais aussi plus fortement que d'habitude avec les autres espèces et les espaces extérieurs.

Même si nous manquons encore de recul pour observer les effets sur nos vies, nous pouvons déjà sentir à quel point nous vivons une dissonance cognitive destructrice : l’autre m’est nécessaire pour vivre mais est également une menace mortelle pour moi ! Vient s’ajouter l’origine supposée animale de la pandémie mondiale que nous vivons. Les zoonoses (maladies transmises de l’animal à l’homme) seraient le symbole d’une interaction défectueuse, détraquée avec le monde animal. La particulière faiblesse immunitaire des sociétés occidentales serait liée à un mode de vie et d’alimentation « dénaturé ». Toutes les réponses à cette crise traduisent notre échec à penser autrement qu’une confrontation, une séparation entre les mondes vivants. Que l’on soit partisan d’une "nature qui se venge" ou d’une volonté de corriger et maîtriser à tout prix cette anomalie, cette rupture dans nos systèmes productivistes ; cela opère, in fine, une séparation.

Or, ce que suggère cette crise, c’est une plus grande écoute aux ontologies qui proposent des interdépendances plus harmonieuses entre les êtres. C’est à travers l’expérience du manque de l’autre, d’une déconstruction du collectif, de ce qui fait de nous des êtres ritualisants que nous sentons nos liens sur tous les plans : le rapport à soi qui se nourrit, du rapport aux autres humains, aux autres vivants mais aussi à l’invisible (l’infiniment grand et l’infiniment petit).

Un des impacts majeurs de la pandémie de COVID-19 pourrait bien être celui d’une crise de la conscience, d’une crise de sens, d’une déflagration de l’énergie spirituelle, qui suppose de refonder notre relation à l’environnement, au vivant. De quoi est composé le monde dans lequel nous vivons ? Quels sont les équilibres subtils qui nous permettent de nous maintenir ensemble ? Comment accepter que nous ne savons pas, que nous ne soyons pas au centre de toute chose ? Comment vivre avec les autres dans des rapports d’interdépendances sûrs et fertiles sans créer des systèmes d’exploitation instables ? Quelle écologie puis-je appliquer dans le monde, si je n’interagis pas d’abord avec moi-même ?

Le neurologue Sébastien Bohler analyse cette situation d’un point de vue (pré)historique et biologique :

"Le néolithique, avec la sédentarisation et les premières concentrations urbaines, crée une donnée inédite pour l’humain : l’anonymat. Alors que nous évoluions depuis des centaines de milliers d’années dans des communautés restreintes, nous nous mettons alors à vivre aux côtés d’inconnus dont nous ne pouvons prédire les comportements sur la base d’une connaissance personnelle. […] La complexification sociale donne d’abord lieu à l’émergence de grands rites collectifs : en se réunissant pour prononcer la même parole, reproduire les mêmes gestes, les individus réalisent des actes apaisants pour leur cortex cingulaire [cerveau], car ces actions synchrones créent une résonance émotionnelle avec l’autre et accroissent l’empathie. Ainsi ces rituels de masse, en faisant se rassembler des inconnus et en les rendant prévisibles, permettent aux humains de continuer à faire société tout en gérant l’agrandissement de leur collectif."

Ainsi, être privé de rassemblements collectifs (spectacles, fêtes, célébrations religieuses, rassemblements citoyens, pratiques sportives collectives...) et, a contrario, maintenir certains actes de consommation et de travail, nous fait apparaître de manière forte cette hiérarchie (bouleversée) de sens. Cette situation nous donne l’occasion de ressentir et de penser l’importance du sens, des liens et de l’expérience… mais aussi de l’invisible et du sacré dans nos vies. C’est comme si nous avions l’occasion d’expérimenter dans nos chairs cette mise à distance, cette rationalisation, hygiénisation que nous faisons subir aux animaux et végétaux (avec l’abattage intensif, les produits phytosanitaires, etc).

Face à ces expériences douloureuses, des expérimentations et démarches éco-spirituelles émergent au sein-même de nos cultures occidentales :

** Au Canada, le Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’éco-citoyenneté propose une réflexion sur l’importance de la formation éco-spirituelle à l’école. En déjouant les peurs d’une remise en question d’un enseignement laïque, en réhabilitant la notion de spiritualité comme terreau de développement d’une vie sociale et culturelle riche, ils participent à une réflexion passionnante sur le rôle de l’éducation dans le vivre-ensemble. Ils revendiquent aussi la place d’autres formes d’intelligence que cognitives et rationnelles en donnant leur place à l’intelligence émotionnelle et spirituelle. En se basant sur des apports de la psycho-phénoménologie et des neurosciences, mais aussi de la pensée philosophique et de l’anthropologie, ils affirment que l’éco-spiritualité permet de se connecter à soi-même, aux autres et à plus grand que soi. Un terreau pour faire grandir une autre attention au monde qui prend en compte toutes les dimensions du vivant.

** En France, un mouvement appelé Le Bûcher (co-fondé par Pauline Magnat et Claire Garin), propose d’explorer les dimensions de l’activisme sacré. Partant du constat que les luttes citoyennes pour sauvegarder le vivant - comme, par exemple, le mouvement d’Extinction Rébellion - sont parfois déconnectées d’une dimension plus sacrée. En réintégrant des pratiques et rituels spirituels, il s’agit d’ancrer profondément son action dans son chemin de développement personnel : de partir de l’âme pour trouver la justesse de son action dans la matière, de soigner son corps et son esprit, de co-créer avec les autres vivants, avec l’invisible, d’être dans la pleine conscience de ses choix.

"En tant qu’individus et en tant que collectif, nous ne pouvons plus continuer à fonctionner dans une perspective de croissance infinie, dans l’irrespect de nos ressources : celle de la Terre et des nôtres individuellement. Nous militons pour changer notre relation à l’Humain, au Vivant et à l’Invisible et les replacer dans la réciprocité, interdépendance et la révérence. "

Pour nourrir cette visée, Le Bûcher propose des retraites et des formations qui permettent aux individus de renouer avec sa nature cyclique, de s’inspirer du vivant pour se transformer, et même d’apprendre le repos pour mieux agir ! Ils se basent sur des pratiques corporelles et mentales de relaxation, de visualisation, de soin par les plantes, de bains de forêts, de danses ou postures… à adapter en fonction de chaque sensibilité et aspiration. L’originalité de ce mouvement est bien de prendre soin des individus qui portent des actions collectives.


Des spiritualités créatives - créer son propre chemin vers soi

Car le fondement de l’éco-spiritualité, c’est bien l’individu, d’abord, dans son rapport à lui-même. Une plongée dans son intériorité, à la recherche et la définition de son identité profonde. "Eco" dans son acception grecque originaire renvoie à oïkos, c'est-à-dire, la maison, le bien domestique, l’habitat. L’éco-spiritualité, c’est donc, d’abord, entrer chez soi et en prendre soin, pour mieux être avec les autres. Et nous n’avons jamais été aussi fortement poussés à le faire que ces derniers mois !

Ce mouvement vers l’intérieur que nous avons vécu, pour la plupart, comme imposé, a été le terreau, pour beaucoup d’un retour à des pratiques qui relèvent à la fois de l’introspection - par le biais de la méditation, du silence, de la pleine conscience - et de l’expression de soi - par le biais de la créativité artistique, de la prise de parole. Un double mouvement de l’intérieur vers l'extérieur qui permet de trouver un équilibre.

Le repli sur son oïkos a laissé la possibilité aussi, loin des regards, des normes sociales, de tracer son propre chemin spirituel. De créer ses propres rituels, réflexes ou conscients. Ceux-là même qui donnent du souffle, de la force et de la joie lorsque tout est déstabilisé autour de nous.


Cette créativité, on la trouve dans une approche d’exploration et de métissage de différentes traditions spirituelles ou somatiques (par le corps) : le yoga, la visualisation et la méditation et toutes les pratiques d’état modifié de conscience, le Qoya (danse libre), le travail qui relie, les bains de nature, les rituels chamaniques, les voyages au tambour, chant spontanés et mantras, les pratiques de souffle, la roue de médecine amérindienne (basées sur les 4 éléments), les oracles et divinations... mais aussi, les pratiques de soins par les plantes - par fumigations, ingestions, applications - ou par les pierres.



Une grande part de ces pratiques implique toujours une part de caché, d’invisible, qu’on pourra entendre sous les termes de "magique", "sacrée" ou "ésotérique". L’autre point commun de ces pratiques, c’est une approche holistique, qui intègre l’humain dans des relations d’interdépendances avec les autres vivants : animaux, végétaux, minéraux.


Un des exemples les plus actuels (et médiatisés) de ce syncrétisme éco-spirituel serait celui de la sorcellerie, ou Wicca - terme apparu au XIXe siècle pour regrouper des pratiques et croyances païennes :

"La wicca inclut des éléments de croyances telles que le chamanisme, le druidisme et les mythologies gréco-romaine, slave, celtique et nordique. Ses adeptes, les wiccans, prônent un culte envers la nature et s'adonnent pour une grande partie à la magie. La Wicca est un culte à mystères. Les wiccans sont, pour la plupart, voués à certains dieux comme Hécate, la déesse de la magie et de la lune, Gaïa, la déesse de la nature etc. Elle est pratiquée un peu partout dans le monde."(Wikipedia)

En effet, la figure de la sorcière a été réhabilitée depuis plusieurs années, notamment à travers l’activisme féministe, comme une forme de présence au monde qui place l’humain dans une relation complexe avec les autres éléments, visibles, ou invisibles. Symboliquement, c’est aussi le marqueur d’une volonté de souveraineté de l’individu, d’émancipation par la connaissance dans un monde où tout semble échapper à notre contrôle. La sorcière moderne, c’est l’individu qui retrouve sa puissance mais aussi la fragilité de sa place dans le monde, son besoin d’être connecté aux autres et à plus grand que soi. C’est celle qui va puiser dans des traditions spirituelles et culturelles variées, s’en inspirer sans s’enfermer dans une doctrine, pour créer sa spiritualité "sur-mesure" et liée à une dimension plus politique.


Il suffit d’aller dans une boutique ésotérique ou lire des ouvrages de néo-sorcières, telles que Katia Bougchiche ou Odile Chabrillac pour être surpris.e par la vivacité et la variété des traditions culturelles qui inspirent ces nouvelles pratiques. Le 30 octobre prochain, peut-être célébrerons-nous tou.te.s le Samhain (ancêtre païen de la Toussaint et nouvelle fête wiccane) ?



L’éco-spiritualité pour déconstruire les systèmes de dominations ?

L’attrait croissant dans nos sociétés occidentales de ces formes de spiritualités masque aussi un enjeu politique bien plus violent qui est celui d’une remise en question globale de notre système productiviste, patriarcal et capitaliste. Un système qui met en péril la vie sur terre. Nous avons abordé principalement dans cet article l’éco-spiritualité sous l’angle de nos liens aux autres formes du vivant. Mais qu’en est-il des autres êtres humains ? Curieusement, nous allons chercher très loin, dans d’autres cultures, ce rapport plus organique à la nature, en oubliant qu’il existe aussi dans notre propre héritage culturel. Les grands courants de pensées, soutenus pas les thèses d'anthropologues tels que Lévi Strauss et plus récemment Philippe Descola renforcent cette idée que la Nature a toujours été un concept de réification dans notre civilisation, à l’inverse des sociétés extra-occidentales, supposées plus holistiques. La présence de spiritualités "exotiques" a l’avantage de ne pas remettre en question notre "roman national", notre "mythologie occidentale", qui serait, par essence, celle du rationalisme donnant naissance au progrès et à la croissance. Or, c’est ce mythe de la modernité qui se nourrit intrinsèquement de la domination de certaines formes du vivants pour que prospère une infime partie des êtres humains. Il est à réinterroger jusqu’au bout pour ne pas passer à côté de cette quête d’harmonie globale. C’est ce que nous dit, notamment, la philosophe Virginie Maris :

"Il importe de réfléchir à la mesure dans laquelle ce régime d’exploitation de la Nature s’exprime aussi dans un rapport violent à d’autres êtres humains. Il y a un angle mort important dans le diagnostic que l’on fait de la crise actuelle. En pointant du doigt un dysfonctionnement du rapport des humains à la Nature, on s’empêche de voir son imbrication avec d’autres dominations. Cet intérêt pour les ontologies non occidentales peut ainsi passer à côté d’enjeux essentiels."

En opérant cet aller-retour entre soi-même, les autres humains, les autres-qu’humains ou tout autres formes de vie (comme on souhaite la nommer), l’éco-spiritualité est à la fois un défi et une chance pour penser autrement notre monde. Elle peut aussi nous aider à nous extirper du piège de la situation actuelle qui vide la société de son sens, nous éloigne les uns des autres, nous retire la joie, l’empathie, les rêves communs…


 

Pour aller plus loin :


- Une conférence Tedx d’Eric Julien sur la vision du monde des indiens Kogis

- Article "Résister au chamanisme universel" de Floriane Zaslavsky dans le Hors-série Socialter - Renouer avec le vivant N°9, décembre 2020

- Sébastien Bohler - "La société moderne prive notre cerveau de son besoin de sens"- Interview pour Socialter, décembre 2020

- Katia Bougchiche : L’Éveil des sorcières - initiation au féminin des origines (Éditions Leduc Pratique, 2019) et Femme Souveraine (Éditions Leduc Pratique, 2020) - Odile Chabrillac Âme de sorcière - ou la magie du féminin (Éditions Harmonie Solar, 2019)


 

crédits photos : Julia Passot, DR, @woodlight_woudlicht

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