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Photo du rédacteurJoffrey Lavigne

Rêveries agricoles d’hier et d’aujourd’hui (2/2)

Suite de l’archéologie de l’agriculture du futur. Pour celles et ceux qui n’ont pas eu l’occasion de lire le premier article, je me suis intéressé à la rhétorique du futur des récits portant sur l’agriculture, et plus particulièrement aux récits publicitaires de la fin du XIXème siècle à aujourd’hui. Envisagés comme des productions imaginaires, ces récits ont progressivement envahi le monde social, exerçant une certaine influence - bien que difficilement mesurable - sur les représentations du et dans le monde agricole. En particulier en déployant une vision enthousiaste et vertueuse de la technologisation croissante des modes de production agricole par les révolutions successives - mécanique, chimique et numérique. Se pose alors la question de l’existence de contre-récits ou de récits alternatifs à cette hyper industrialisation.



Illustration extraite de l'ouvrage The Future World of Agriculture, 1984


Pour tenter de déceler ces récits, je vous propose de plonger dans un autre registre de cette rhétorique du futur que celles des récits publicitaires : la science-fiction.


Genre par excellence de la spéculation sur les trajectoires fantasmées ou possibles de nos sociétés, la science-fiction s’est, à notre connaissance, peu intéressée à la question agricole. Du moins, ce thème est souvent relégué au second plan et agit essentiellement comme un signifiant ou un marqueur civilisationnel des mondes fictifs. Ce sont souvent les modes d’alimentation mis en scène dans ces mondes qui révèlent implicitement même les modes de production. Pensez aux barres de protéines produites à partir de cafards et réservées aux catégories les plus pauvres dans la libre adaptation de Snowpiercer (les barres n’existent pas dans la BD de Lob et Rochette). Ou au synthétiseur de nourriture et de boisson déclenché sur simple commande vocale dans la série Star Trek. Sans oublier les pilules de couleur, rouges et jaunes du film de George Lukas, THX 1138, sorti en 1971.





Ces artefacts nutritifs illustrent un imaginaire relativement dominant dans la science-fiction : l’agriculture hors-sol.


“L’humanité ne cultivait presque plus rien en terre. Légumes, céréales, fleurs, tout cela poussait à l’usine, dans des bacs. Les végétaux trouvaient là, dans de l’eau additionnée des produits chimiques nécessaires, une nourriture bien plus riche et plus facile à assimiler que celle dispensée chichement par la marâtre Nature. Des ondes et des lumières de couleurs et d’intensités calculées, des atmosphères conditionnées accéléraient la croissance des plantes et permettaient d’obtenir, à l’abri des intempéries saisonnières, des récoltes continues, du premier janvier au trente et un décembre.” Extrait de Ravage, René Barjavel (1943)

L’agri-dystopie selon la Science-Fiction


L'humanité s’est progressivement ou brutalement déracinée ou détachée de la terre nourricière. Les pratiques alimentaires se résument à l’absorption de matières synthétiques produites par des processus invisibles voire magiques et toujours abstraits des cycles du monde vivant.


Outre cette abstraction, les œuvres de science-fiction offrent plusieurs hypothèses évoquées dans une rencontre intitulée « Agriculture et science-fiction : l’humanité à table ! » qui s’est tenue en 2018 à l’occasion du Salon international de l’agriculture :


  • la raréfaction : l’effondrement des écosystèmes entraîne inévitablement une pénurie alimentaire de grande ampleur nécessitant de réinventer les modes de subsistance et de production ainsi que les types d’aliments consommés. Au cœur de ces mondes de pénurie, les régimes alimentaires deviennent des marqueurs d’inégalité sociale extrêmement structurants. Considérés comme une denrée de luxe, les aliments naturels sont réservés aux classes supérieures dans Les Cavernes d’acier (Isaac Asimov)

  • l’abondance : les technologies ont permis aux sociétés humaines de s’affranchir des cycles écologiques - et de fait des limites écologiques. Cet affranchissement ouvre à l’humanité le chemin de l’abondance où la fonction même de l’agriculture a disparu. La nouvelle d’Alexandre Beliaev, Le Pain éternel, porte cet imaginaire.

  • le renversement : en empruntant aux récits de la circularité, l’humain deviendrait lui-même intrant - dans Silo par exemple où les cadavres fertilisent les sols - ou matière nutritive en glissant vers une forme de cannibalisme à la manière de Soleil Vert.

  • l’obsolescence : la trans ou post-humanité a libéré l’humain de la nécessité de se nourrir, éliminant ainsi les multiples enjeux de la production agricole.


Cette typologie pourrait être complétée par plusieurs items, par exemple la substitution pour évoquer l’ingénierie humaine permettant d’imaginer de nouvelles formes de production agricole. Je pense ici aux élevages de cétacés - notamment des baleines - et de planctons racontés dans les Prairies Bleues (Arthur C. Clarke, 1955). Un autre item serait celui de la virtualité pour désigner toutes formes virtuelles d’alimentation où la production agricole serait contenue dans des faisceaux numériques.


Les possibilités de catégorisation sont multiples, et là n’est pas l’enjeu. Ici, il s’agit d’entrer dans certaines œuvres de science-fiction pour déceler des représentations alternatives ou critiques de l’agriculture du futur. J’en ai choisi trois pour tenter de déceler des contre-récits possibles à une agriculture hyper-technologisée.


Bienvenue en Écotopia, l'utopie circulaire


Paru au milieu des années 1970 dans un contexte de dénonciation de la sur-consommation et de surabondance, le roman d’Ernest Callenbach a été réédité en France en 2018, signe de la résurgence d’un besoin d’utopies et d’un contre-récit à l’imaginaire dominant.


“Il est si difficile d'imaginer quelque chose de fondamentalement différent de ce que nous avons maintenant. Mais sans ces différentes visions, nous restons au point mort. Alors que nous ferions mieux de nous préparer. Nous avons besoin de savoir où nous voulons aller.” Citation d’Ernest Callenbach, extraite d’un article du New York Times datant de 2008, The Novel That Predicted Portland.

Le roman raconte, à travers le regard de William Weston, journaliste de la côte ouest envoyé enquêter sur les expérimentations sociales et écologiques en cours à Écotopia, territoire qui a fait sécession avec les États-Unis d’Amérique. Chacun des chapitres de cette enquête fictionnée dévoile un aspect d’une société qui prône la décentralisation, la fin du patriarcat, la libération sexuelle, la production d’énergies renouvelables, et plus généralement une reconnexion avec les écosystèmes naturels.



Au cœur du deuxième chapitre, William Weston est reçu par le Ministre de l’agriculture écotopien qui lui décrit de manière détaillée le modèle circulaire des modes de production. La réparabilité et la recyclabilité sont au fondement de toute pratique productive. L’agriculture est le secteur qui porte cette exigence à son paroxysme. Les Écotopiens ont mis au point un système de retraitement complet de tous leurs déchets organiques qui remplacent ainsi les engrais chimiques. L’agriculture est ainsi purement biologique et s’appuie sur un système de cultures extensives. À rebours de la trajectoire dominante de l’agriculture moderne occidentale, le roman propose ainsi une version que l’on peut qualifier de durable ou responsable du secteur agricole. En écho avec les études actuelles sur la nécessité de reconstituer une force de travail agricole, le journaliste observe une société qui s’est reconvertie aux métiers de la paysannerie, du maraîchage, de l’élevage tout en profitant d’un confort ou d’un bien être de travail. Dans le prolongement des modes de production, les modes de distribution sont structurés par une logistique de proximité garantissant un approvisionnement local.


Au moment où la nécessité d’une bifurcation de l’agriculture est portée par de nombreux acteurs de la société civile notamment (association Terres de lien, la Fédération nationale d’agriculture biologique, l’association Générations Futures, la Confédération paysanne, le mouvement des AMAP, etc.), Ecotopia offre un récit - ou plutôt un contre-récit qui propose une vision de sortie enthousiasmante ou désirable de la sobriété, de la décroissance ou du retour à la terre.


Au pays des Monades urbaines, une agriculture totalisante


Le roman d’anticipation de Robert Silverberg paraît en 1971, soit quatre ans avant Écotopia. Le contraste que nous offre cette dystopie est saisissant. Ici, il n’est nullement question d’agriculture biologique, de reconnexion avec le vivant ou de sobriété. Dans le monde fictif des Monades, l’effondrement - ou l’apocalypse - a bouleversé les modes de vie humain. Nos villes du XXI ont été détruites ou noyées. Ne subsistent que quelques traces de cette organisation urbaine, tel le sommet des tours de la City de Londres ou de Manhattan. La biodiversité sauvage a été en très grande partie détruite, et les arbres ont quitté le domaine du pensable des humains.


Désormais le monde terrestre se compose de constellations urbaines ou monades - soit un vaste ensemble d’immenses tours pouvant accueillir des centaines de milliers de personnes confinées pour une durée indéterminée. À l’horizon, d’immenses jardins pelouses où nul ne peut se rendre, et, encore un peu plus loin, de “longues bandes vertes nettement dessinées, bordées de brun”. Ce sont les zones agricoles périphériques gérées par des communes agricoles où s’entassent des fermiers relégués au dernier rang de l’humanité. Dans le monde fictif de Silverberg, les sept huitième des terres émergées du continent sont utilisées pour la production de nourriture.


C’est l'irrésistible attrait de la déviance qui conduit Micael, le personnage principal du roman, à s’extraire illégalement de la Monade 116 et nous faire voyager dans ces paysages horizontaux uniformes et infinis.


“Il a pénétré dans les territoires agricoles périphériques. Ici, le paysage est illimité et plat. D’est en ouest, s’étire le long alignement des monades urbaines. Vues d’ici, elles apparaissent comme de petites lances brillantes se détachant à l’horizon. Aucun arbre. Aucune végétation sauvage. En fait, rien qui rappelle le chaotique et merveilleux foisonnement de verdure de Capri. Seulement de longues planches de plantes basses, séparés par des bandes de terre sombre et nue, et parfois une immense superficie entièrement vide, comme laissée au repos.” Extrait des Monades Urbaines (pp. 234-235)




Au sortir de la Monade, Micael se perd dans l’immensité des champs qui n’offrent comme repère la seule horizontalité de la monade s’éteignant au loin. C’est à cet instant que se dévoile le système productif agricole qui permet de nourrir les milliards d’humains coincés dans les monades.


“Soudain un vrombissement. [...] Strident, grondant, rauque. [...] Le voilà : un long tube noir glissant doucement vers lui à hauteur de, oh, cent mètre maximum. Micael se jette sur le sol et rampe parmi les rangées de choux, ou de navets, ou de n’importe quoi. Sur les flancs de la machine noire pendent une douzaine de petits tuyaux vaporisant une pluie dense et verdâtre. Micael a deviné. C’est certainement une épandeuse, pulvérisant un poison pour tuer les insectes et toutes sortes de vermines. Quel peut être l’effet sur l’homme ?” Extrait des Monades Urbaines (p. 240)

“Dans la semi-obscurité et la poussière, Micael distingue une armada d’engins épandeurs qui atterrissent sur le terre-plein tels des oiseaux revenant du nid au crépuscule, et des douzaines de machines agricoles multipodes rentrant des champs.” Extrait des Monades Urbaines (p.247)

La fascination qu’exercent ces machines noires sur Micael provoque cette réflexion immédiate : quel est l’effet de l'épandage sur la vie humaine. Au travers cette expérience agricole, Micael agit comme un relai de conscience pour le lecteur. Cette question intérieure, c’est en réalité l’auteur qui la pose aux lecteurs et lectrices - et au-delà à toute la société américaine des années 1970. Au vrombissement de la machine succède le cri d’alarme de l’auteur. Or ce cri résonne aujourd’hui encore. Les Monades urbaines nous livre un récit critique davantage qu’un contre-récit. La dystopie se veut motrice d’une pensée réflexive sur nos modèles agricoles contemporains et de fait sur un imaginaire largement répandu de l’agriculture moderne. L’écriture paysagère sert à ce titre de relai entre le monde fictif et le vécu d’un contemporain.



Dans la forêt ou dans les marais, entre résilience et survivalisme


Le troisième - et dernier - temps de cet article s’appuie sur deux œuvres : un roman d’anticipation et une œuvre de design fiction (une branche du design qui consiste à concevoir des artefacts ou des univers très spéculatifs suscitant par leur radicalité des questionnements). Les deux œuvres ont en commun d’ouvrir une réflexion sur la survivance de notre espèce après l’effondrement.


Une fable écologique sur l'autosuffisance alimentaire

La première est un roman de Jean Hegland paru au milieu des années 1990 qui a secoué les lecteurs et lectrices états-unien·nes. Dans la forêt est une fable écologique post-apocalyptique. Les premières pages nous embarquent dans une société en cours d’effondrement face à la pénurie soudaine d’électricité et de carburant. Isolées dans leur maison familiale située au cœur d’une forêt de séquoias dans le nord de la Californie, deux adolescentes, Nell et Eva, doivent apprendre à vivre en autosuffisance en cultivant leur jardin et en constituant des réserves de nourriture pour affronter l’hiver.


“L’arithmétique, les simples multiplications et soustractions qui nous montrent ce que nous mangeons en une journée, combien de jours de nourriture il nous reste, est une équation que je ne peux affronter. Mon esprit s’ankylose et j’ai un trou quand j’essaie de calculer combien de tasses de farine il y a dans vingt deux kilos ou combien de repas nous pouvons faire encore avec le dernier sac de haricots bicolores. Je n’ai jamais vraiment su combien nous consommions. C’est comme si nous ne sommes tous qu’un ventre affamé, comme si l’être humain n’est qu’un paquet de besoins qui épuisent le monde.” Extrait du roman Dans la forêt


Extrait de la bd de Lomig adaptée du roman Dans la forêt


Face à l’épuisement du monde soumis à la pression agricole, se dessine l’épuisement de ces personnages contraints par la rigueur, la dépendance aux aléas de la terre et du climat, mais aussi la sobriété du régime alimentaire. Au fil du roman, la forêt, menaçante et source d’incertitudes, devient progressivement une alliée de la subsistance.


“Avant j’étais Nell, et la forêt n’était qu’arbres et fleurs et buissons. Maintenant, la forêt, ce sont des toyons, des manzanitas, des arbres à suif, des érables à grandes feuilles, des paviers de Californie, des baies, des groseilles à maquereau, des groseillers en fleurs, des rhododendrons, des asarets, des roses à fruits nus, des chardons rouges, et je suis juste un être humain, une autre créature au milieu d’elle. Petit à petit, la forêt que je parcours devient mienne, non parce que je la possède, mais parce que je finis par la connaître. Je la vois différemment maintenant. Je commence à saisir sa diversité - dans la forme des feuilles, l’organisation des pétales, le million de nuances de vert. Je commence à comprendre sa logique et à percevoir son mystère. Où que j’aille, j’essaie de noter ce qu’il y a autour de moi - un massif de menthe, une touffe de fenouil, un buisson de manzanita ou un champ d’amarante à ramasser maintenant ou plus tard quand je reviendrai, quand le besoin se fera sentir ou que ce sera la saison.” Extrait du roman Dans la forêt

Penser la transformation des corps auto-subsistants par le design

La deuxième œuvre s’intéresse à cette question de l’autosuffisance par le prisme du design fiction. Dune et Raby, précurseurs du “speculative design” partent du constat énoncé par l’ONU. Pour nourrir la planète, il faudra produire 70% de nourriture supplémentaire dans les 40 prochaines années. Pour tenir cet objectif, le modèle agricole actuel, insoutenable, conduira à l’effondrement de notre planète. Quels possibles face à cette insoutenabilité ? L’hypothèse proposée par Dunne & Raby est celle d’une prise en main par les individus pour assurer leur survivance alimentaire tout en préservant les milieux. Pour ce faire, il faudra nous modifier.


“Et si nous pouvions extraire la valeur nutritionnelle des aliments non humains en utilisant une combinaison de biologie synthétique et de nouveaux appareils digestifs inspirés des systèmes digestifs d'autres mammifères, oiseaux, poissons et insectes ?” Extrait du propos de l'oeuvre de Dunne & Raby, Design for an Overpopulated Planet: Foragers

Les deux designers nous imaginent en bricoleurs du vivant et de nous-mêmes, capables grâce à la biologie de synthèse et de dispositifs électriques de butiner notre environnement urbain ou périurbain direct. En externalisant notre estomac - par le biais de bactéries gastriques microbiennes - nous devenons des chasseurs-cueilleurs urbains du XXIe siècle.





Au cœur de ces deux récits, l’auto-subsistance se décline dans deux visions très différentes mais qui répondent toutes deux à un effondrement du système centralisé. Elles offrent une alternative au modèle selon lequel une poignée d’individus doivent nourrir l’ensemble de la population - modèle qui s’est imposé après la seconde guerre mondiale et qui risque bien de s’apparenter à une fiction poussiéreuse dans les années à venir.


Discréditer un modèle, crédibiliser un autre


La nécessité des contre-récits ou des récits critiques n’est pas à démontrer. Et ces derniers sont relativement nombreux. Il aurait été possible d’évoquer au fil de cet article l’univers de Soleil vert qui au fil de la plume d’Harry Harrison (le titre du roman est Make room! Make room!) ou des plans de Richard Fleisher nous dépeint les dérives cannibalistes de l’agriculture industrielle. Le dernier film de David Cronenberg, Les crimes du futur, évoquant la transformation possible d’un modèle de production alimentaire tournée vers le pastique aurait également pu figurer dans cette exploration. Ainsi que, le roman d’anticipation dystopique de Margaret Atwood, Le Dernier Homme, qui nous aurait permis d’ouvrir une discussion critique sur la trajectoire génétique de notre agriculture. Difficile d’ailleurs de résister à la tentation d’en citer un extrait.


“La société était une sorte de monstre, puisqu'elle engendrait principalement des cadavres et des décombres. Elle n'apprenait jamais, répétait perpétuellement les mêmes erreurs imbéciles, échangeait un bonheur à court terme contre un malheur à long terme. Elle ressemblait à une limace géante qui bouffait inlassablement toutes les autres bioformes de la planète sur son chemin, avalait petit bout par petit bout toute la vie sur terre, puis la chiait par le trou de balle sous formes de saloperies manufacturées en plastique très vite démodées.” Extrait du roman Le Dernier Homme de Margaret Atwood, 2003, p.309

L’utopie ou la dystopie - et plus largement la fiction spéculative - s’inscrivent dans une stratégie critique de crédibilisation ou décrédibilisation de certaines trajectoires sociétales. Les modèles d’agriculture n’en sont pas épargnés. La grande majorité des dystopies tentent de discréditer les modèles productivistes en mettant en scène les limites et des points de basculement - souvent invisibilisées dans nos sociétés. La première de ces limites est environnementale, ou biophysique en fictionnant l’hypothèse d’un effondrement des écosystèmes naturels et, de fait, du système agricole. La deuxième limite est technologique en pointant du doigt les dérives et les incertitudes que le paradigme OGM fait peser sur la survie de l’espèce humaine. Enfin, la troisième limite a trait à la moralité. Il suffit de penser à l'œuvre de Bong Joon Ho, Okja, qui nous interroge sur l’éthique de nos modes d’élevage - clairement passés sous licence, cachés, détournés de notre attention.


Cette stratégie du discrédit est également mobilisée par le registre utopique. S’il ouvre des alternatives crédibles, l’exemple écotopien agit comme un révélateur des dysfonctionnements ou des absurdités de notre système. Ce miroir peut être tendu aussi bien au milieu des années 1970 qu’aujourd’hui, son reflet n’en restera pas moins perturbant et actuel.



Pour en découvrir plus, quelques suggestions de visites, lectures, visionnages

  • Niourk, un roman de science-fiction de Stefan Wul, publié en 1957 où le régime alimentaire humain a profondément bifurqué. Des petites pilules pour les humains exilés sur Mars, et du gibier pour l’humanité resté sur Terre et revenu à l’état primitif.

  • The Long Way to a Small, Angry Planet, une nouvelle de science-fiction de Becky Chambers, publiée en 2014. Les insectes sont utilisés comme nourriture dans les vaisseaux spatiaux.

  • Le Voyage de Haviland Tuf, roman écrit par George R. R. Martin et publié en 1986

  • Seul sur Mars, film de Ridley Scott sorti en 2015 dans lequel Matt Daman cultive des patates martiennes.

  • Gastronomie du futur et d’ailleurs, anthologie publiée en 2020

  • Silo, premier d’une série de cinq romans publiés par Hugh Howey au début des années 2010. Dans les silos où vivent des milliers d’humains, les morts fertilisent le sol où sont cultivés les légumes

  • La nuit des temps de René Barjavel publié en 1968. Dans la civilisation imaginée par l’auteur français, les humains se nourrissent exclusivement de pilules colorées produites à partir de rien et produites par la mange-machine.

  • Ravage de René Barjavel publié en 1943 qui nous plonge dans le monde de 2050 et dépeint une agriculture hors-sol.

  • Les Cavernes d'acier du Cycle des robots, œuvre majeure d’Isaac Asimov. La nourriture consiste généralement en levures de culture génétiquement sélectionnées pour mimer des aliments naturels ; elles sont cultivées dans des secteurs recouvrant d’immenses surfaces et réservées à cet usage.

  • Pour servir l’homme, nouvelle de Damon Knight

  • Le Cerveau vert, roman de Frank Herbert où la nature se défend comme l’invasion des hommes venus la cultiver et la maîtriser.

  • Pommiers dans le ciel est un roman de science-fiction de Robert A. Heinlein, publié en 1950. Le roman met en scène une colonie agricole sur l’une des lunes de la planète Jupiter.

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